Comment protéger l’adresse personnelle d’un dirigeant dans les registres publics ?
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Le décret du 22 août 2025 introduit la possibilité, pour certaines personnes physiques liées à des sociétés commerciales, de demander l’occultation de leur adresse personnelle dans les registres officiels. Cette disposition, immédiatement applicable, vise à renforcer la protection des données personnelles.
Pourquoi protéger vos données ?
La publication du décret du 22 août 2025 intervient dans un contexte où les adresses personnelles des dirigeants et associés de sociétés commerciales sont largement accessibles. Ces informations figurent dans les statuts, les procès-verbaux d’assemblées générales et divers actes transmis au registre du commerce et des sociétés (RCS), notamment lors de l’immatriculation ou de la modification de la situation juridique d’une entreprise.
Les données personnelles sont également communiquées via le guichet unique des formalités aux greffes des tribunaux de commerce, puis intégrées dans des bases publiques telles que le répertoire SIRENE ou le BODACC. Elles sont ensuite réutilisées par des opérateurs privés et publics, qui les indexent dans les moteurs de recherche, augmentant leur visibilité.
Cette large diffusion soulève des enjeux de sécurité pour les personnes concernées. Des cas de harcèlement, d’usurpation d’identité, voire d’enlèvements ont été signalés, mettant en lumière les risques liés à la publication de ces données. La CNIL, dans son avis du 17 juillet 2025, a souligné la nécessité de mieux encadrer la réutilisation des données personnelles à des fins commerciales.
Le décret du 22 août 2025 permet désormais l’occultation des adresses personnelles dans les registres publics. En parallèle, une proposition de loi déposée par le député Paul Midy prévoit d’imposer aux opérateurs de bases de données la suppression des adresses personnelles des dirigeants, à l’exception du code postal. Ce texte n’a pas encore été examiné par l’Assemblée nationale.
Que prévoit le texte ?
Le décret du 22 août 2025 permet aux personnes physiques dirigeantes ou associées indéfiniment responsables de sociétés commerciales de demander, via le guichet unique, l’occultation de leur adresse personnelle dans les registres officiels. Cette mesure s’inscrit dans le respect du droit européen, notamment la directive (UE) 2017/1132, qui n’impose pas la publication des adresses personnelles des dirigeants. Plusieurs États membres appliquent déjà ce principe, et la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé, dans un arrêt du 4 octobre 2024, que les associés peuvent demander l’effacement de leurs données personnelles figurant dans les statuts publiés.
Le décret modifie l’article R. 123-3 du Code de commerce pour permettre aux personnes mentionnées à l’article R. 123-54 (dirigeants, associés indéfiniment responsables, commissaires aux comptes, etc.) de solliciter la confidentialité de leur domicile personnel. Cette demande peut porter sur les informations transmises directement au registre, ainsi que sur celles figurant dans les actes déposés (statuts, procès-verbaux, etc.).
Les registres concernés sont : le registre du commerce et des sociétés (RCS), le registre national des entreprises (RNE), et le registre des bénéficiaires effectifs (RBE).
Ce droit à l’occultation est absolu et ne nécessite aucune justification. Les teneurs de registre (INPI pour le RNE, greffiers pour le RCS) sont tenus de l’appliquer sans pouvoir s’y opposer. Il ne s’agit toutefois pas d’un droit à l’effacement des données, comme celui reconnu par la CJUE, mais uniquement d’un droit à la non-publication de l’adresse personnelle.
Les personnes éligibles à ce droit sont notamment : les associés indéfiniment ou solidairement responsables des dettes sociales, les dirigeants sociaux, les administrateurs, membres des conseils de surveillance, et les commissaires aux comptes.
Comment demander l’occultation de vos données ?
La procédure d’occultation des adresses personnelles est encadrée par l’article R. 123-54-1 du Code de commerce. La demande peut être formulée à tout moment par les personnes concernées, soit indépendamment, soit à l’occasion d’une autre formalité. Il est également possible de demander l’occultation d’informations transmises avant l’entrée en vigueur du décret, conférant au dispositif une portée rétroactive.
La demande s’effectue via le guichet unique des formalités d’entreprise, géré par l’INPI. Un récépissé est remis au demandeur à réception. Le greffier du tribunal de commerce dispose d’un délai de 5jours ouvrables pour traiter la demande. En cas d’absence de réponse, le demandeur peut saisir le juge commis à la surveillance du registre.
Lorsque la demande concerne un acte ou une pièce visée à l’article R. 123-102, elle doit être accompagnée d’une version expurgée du document. Cette version est publiée en remplacement de l’original, qui reste conservé à titre de justificatif pendant un an.
Qui pourrait tout de même accéder à vos données?
Le décret prévoit des exceptions afin de préserver certaines missions d’intérêt général. L’adresse personnelle peut rester accessible à des autorités ou organismes habilités, notamment : les autorités judiciaires, Tracfin, les administrations des douanes et des finances publiques, les officiers de police judiciaire, les notaires, commissaires de justice, administrateurs et mandataires judiciaires, les présidents des chambres de métiers et d’artisanat, et certains organismes sociaux.
Les représentants légaux de la société, ses associés et les créanciers peuvent également accéder à ces informations, sous réserve de justifier d’une créance née dans le cadre de l’exercice du mandat social de la personne concernée.
C'est déjà en vigueur : agissez dès maintenant
Le décret est entré en vigueur le 25 août 2025, au lendemain de sa publication. Les greffiers des tribunaux de commerce, chargés de sa mise en œuvre, ont indiqué via leur Conseil national qu’ils assureront un traitement rapide et sécurisé des demandes d’occultation.